La silhouette longiligne et élancée des coureurs de fond fascine autant qu’elle interroge. Pourquoi la course à pied semble-t-elle si étroitement liée à une certaine maigreur ? Ce phénomène, loin d’être anecdotique, soulève de nombreuses questions sur la physiologie du sport, la performance et la santé des athlètes.
Plongeons au cœur de cette problématique pour comprendre les mécanismes en jeu, les avantages potentiels, mais aussi les risques associés à cette minceur caractéristique des coureurs de haut niveau.
La physiologie de la course à pied : pourquoi la légèreté est un atout
L’impact du poids sur la performance
En tant que coureur passionné depuis plus de 20 ans, j’ai pu observer de près l’évolution des morphologies dans le monde de la course à pied. Il est indéniable que la légèreté joue un rôle majeur dans la performance, particulièrement sur les longues distances. Le Dr. Pierre Dupont, physiologiste du sport à l’INSEP, explique : « Chaque kilo supplémentaire représente un effort supplémentaire pour le coureur. Sur un marathon, cela peut se traduire par plusieurs minutes de différence à l’arrivée. »
Une étude publiée dans le Journal of Strength and Conditioning Research a démontré qu’une réduction de 5% de la masse corporelle pouvait améliorer les performances sur 3000 mètres de 3,1% en moyenne.
L’efficacité énergétique des coureurs minces
La dépense énergétique lors de la course est directement liée au poids du coureur. Les athlètes plus légers ont généralement besoin de moins d‘énergie pour maintenir une allure donnée, ce qui leur confère un avantage sur les longues distances. Lors d’un stage d’entraînement avec des coureurs élites kenyans, j‘ai été frappé par leur capacité à enchaîner les kilomètres à haute intensité tout en semblant à peine essoufflés.
Leur morphologie fine et musclée semblait parfaitement adaptée à cet effort prolongé. Le Pr. Yannis Pitsiladis, chercheur en physiologie de l‘exercice à l’Université de Brighton, a mené de nombreuses études sur les coureurs est-africains. Il souligne : « Leur efficacité métabolique exceptionnelle est en partie due à leur faible masse corporelle, qui leur permet de courir à des vitesses élevées avec une dépense énergétique moindre. »
Les facteurs contribuant à la maigreur des coureurs
L’entraînement intensif et ses effets sur le corps
Le volume d’entraînement élevé des coureurs de fond contribue significativement à leur silhouette élancée. Avec des semaines pouvant atteindre 150 à 200 km pour les athlètes de haut niveau, la dépense calorique est considérable. Je me souviens de ma préparation pour mon premier marathon. En augmentant progressivement mon kilométrage hebdomadaire, j’ai constaté une perte de poids naturelle, principalement due à la réduction de ma masse grasse. Le Dr. Sarah Johnson, nutritionniste du sport, explique : « L’entraînement en endurance stimule le métabolisme et favorise l’utilisation des graisses comme source d’énergie. Cela conduit naturellement à une réduction de la masse grasse corporelle. »
L’alimentation des coureurs : un équilibre délicat
La nutrition joue un rôle essentiel dans la composition corporelle des coureurs. Une alimentation adaptée doit fournir suffisamment d’énergie pour supporter l’entraînement tout en maintenant un poids de forme optimal. Lors d’un entretien avec Marie Dupont, diététicienne spécialisée dans le sport d’endurance, elle m’a confié : « Beaucoup de coureurs amateurs font l’erreur de trop restreindre leurs apports caloriques dans l’espoir d’améliorer leurs performances. C’est une approche risquée qui peut mener à des carences et à une baisse de performance. » Une étude publiée dans le International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism a montré que les coureurs d’élite masculins consomment en moyenne 3000 à 3500 kcal par jour, tandis que les femmes se situent entre 2500 et 3000 kcal. Ces apports élevés sont nécessaires pour soutenir leur niveau d’activité tout en maintenant une composition corporelle optimale.
La génétique : un facteur non négligeable
Il serait naïf de ne pas mentionner l’importance de la génétique dans la prédisposition à la minceur chez les coureurs de haut niveau. Certains athlètes semblent naturellement dotés d’une morphologie adaptée à la course d’endurance. Le Pr. Claude Bouchard, spécialiste en génétique de l’exercice, affirme : « Il existe des variations génétiques qui influencent la composition corporelle et la capacité à performer en endurance. Certains individus sont prédisposés à maintenir une faible masse grasse malgré un apport calorique élevé. »
Les risques associés à une maigreur excessive
Le syndrome RED-S : quand la recherche de performance devient dangereuse
La quête de la légèreté peut parfois mener à des comportements dangereux pour la santé. Le syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) est une préoccupation majeure dans le monde de la course à pied. J’ai malheureusement été témoin des conséquences de ce syndrome chez une coureuse talentueuse de mon club. Sa recherche constante de perte de poids l’a conduite à des troubles alimentaires sévères et à une série de blessures qui ont mis fin à sa carrière prometteuse. Le Dr. Nicky Keay, endocrinologue spécialisée dans la santé des athlètes, explique : « Le RED-S survient lorsque l’apport énergétique est insuffisant pour soutenir les fonctions physiologiques normales. Cela peut entraîner des problèmes hormonaux, une diminution de la densité osseuse, et un risque accru de blessures. »
L’impact sur la santé à long terme
Une maigreur excessive peut avoir des conséquences néfastes sur la santé à long terme des coureurs. Les risques incluent :
- Ostéoporose précoce
- Troubles du cycle menstruel chez les femmes.
- Baisse de la libido et problèmes de fertilité.
- Affaiblissement du système immunitaire.
Le Pr. Louise Burke, experte en nutrition sportive, souligne : « Il est crucial de trouver un équilibre entre performance et santé. Un poids trop bas peut offrir un avantage à court terme, mais au détriment de la santé et de la longévité de la carrière de l’athlète. »
Trouver le juste équilibre : performance et santé
L’importance d’un suivi médical et nutritionnel
Pour les coureurs de tous niveaux, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée, alliant performance et santé. Un suivi médical et nutritionnel régulier est crucial, surtout pour les athlètes de haut niveau. Le Dr. François Martin, médecin du sport, recommande : « Un bilan annuel complet, incluant une densitométrie osseuse et un bilan hormonal, devrait être la norme pour tous les coureurs d’endurance pratiquant à haut niveau. »
Stratégies pour maintenir un poids de forme sain
Voici quelques conseils pour maintenir un poids de forme optimal tout en préservant sa santé :
- Calculer ses besoins énergétiques réels en fonction de son niveau d’activité.
- Privilégier une alimentation variée et équilibrée, riche en nutriments.
- Ne pas négliger les apports en protéines et en graisses essentielles.
- Écouter les signaux de son corps et ne pas hésiter à augmenter les apports si nécessaire.
- Intégrer des périodes de récupération et de repos dans son plan d’entraînement.
Marie Leblanc, coach d’athlétisme et ancienne coureuse professionnelle, insiste : « La performance durable passe par le respect de son corps. Il faut apprendre à trouver le poids auquel on se sent bien et performant, sans chercher à tout prix à être le plus léger possible. »
Conclusion : au-delà de la balance
La maigreur observée chez de nombreux coureurs de fond est le résultat d’une combinaison complexe de facteurs physiologiques, d’entraînement et parfois génétiques. Si une certaine légèreté peut effectivement contribuer à la performance, il est crucial de ne pas tomber dans l’excès. L’histoire de la course à pied est jalonnée d’exemples d’athlètes ayant poussé leur corps à l’extrême dans la quête de la performance ultime, parfois au détriment de leur santé.En tant que passionnés de course à pied, notre défi est de trouver cet équilibre subtil entre performance et bien-être.
Rappelez-vous que chaque corps est unique. Ce qui fonctionne pour un athlète de classe mondiale ne sera pas nécessairement adapté à un coureur amateur. L’essentiel est d’écouter son corps, de s’entourer de professionnels compétents, et de garder à l’esprit que la course à pied doit rester avant tout une source de plaisir et d’épanouissement.
Alors, la prochaine fois que vous vous retrouverez sur la ligne de départ d’une course, admirez la diversité des morphologies autour de vous. Car après tout, la beauté de notre sport réside aussi dans cette capacité à rassembler des individus de tous horizons, unis par une même passion.